Une posture de grand frère : c’est un peu ainsi que Jérôme Hambye conçoit sa mission de tuteur. Etudiant en master 2 Analyse et politique économique à la Faculté des sciences économiques et de gestion (Fseg), il n’a pas hésité longtemps quand il a appris que sa faculté cherchait des tuteurs pour épauler des étudiants volontaires d’années inférieures (L1, L2) : « Je suis passé par ces années-là, je peux répondre à certaines de leurs questions. Je ne dis pas non à la rémunération mais honnêtement, même bénévolement, je crois que je l’aurais fait. Et il faut bien reconnaître que ça m’aide aussi, ne serait-ce que parce que j’envisage d’enseigner, dans le cadre d’un doctorat ». Face à lui, Mélanie et Quentin sont deux des sept étudiants de son groupe de licence 2. Ils ont répondu positivement à un sondage lancé par la faculté, début janvier, pour savoir s’ils étaient intéressés pour bénéficier de tutorat, en présentiel ou distanciel.
« La motivation, ça varie »
Eux qui ont vécu le premier confinement en licence 1 et voient leur deuxième année de licence perturbée reconnaissent que « la motivation, ça varie. Alors pouvoir venir à la fac, se lever, s’habiller, ça fait du bien ! Ça rythme une journée ». Mélanie ne se plaint pas de ses deux heures de trajet aller-retour (un train, deux trams !) pour venir jusqu’à Strasbourg. « Tout pour sortir de la routine écran-dodo ! » Deux séances sont organisées dans la semaine, une en demi-groupe (lundi/mardi), une autre en groupe complet (mercredi). « Ça fait du bien de revoir du monde, les interactions sociales, ça manque. » Jérôme, le tuteur, qui reconnaît aussi le bénéfice de ces séances pour structurer sa semaine, en a pris son parti : « Pour le moment, les TD n’ont pas vraiment commencé. Je me tiens prêt à démêler avec eux les mystères de la micro-économie mais on prend d’abord surtout le temps de se connaître ». Cela passe par exemple par une séance à jouer au Petit bac, l’occasion de nouer des débats sur l’utilisation de leurs réseaux sociaux préférés.
« Tel qu’on l’a imaginé, ce dispositif de tutorat vient répondre à des difficultés très concrètes exprimées par certains de nos étudiants : leur détresse face à l’absence de rythme et leur isolement, qui conditionnent motivation et réussite, précise Amélie Barbier-Gauchard, vice-doyenne de la Fseg et coordinatrice du dispositif pour sa faculté. Les difficultés économiques, aussi, puisque les tuteurs sont rémunérés. C’est plus qu’un simple accompagnement pédagogique. » Les tuteurs ne pouvant régler toutes les difficultés des jeunes étudiants dont ils ont la charge, le contexte actuel faisant parfois ressurgir des choses plus anciennes (notamment psychologiques), ils sont formés à les réorienter vers les structures adéquates, au sein et en dehors de l’université. Loin d’être lâchés dans la nature, tous ont donc bénéficié d’une formation et ont la possibilité d’échanger ensemble via plusieurs canaux, dans le cadre d’un réseau de tuteurs. Et peuvent eux-mêmes compter sur des enseignants référents. « L’université compte aujourd’hui 250 étudiants tuteurs, précise Pascale Bergmann, chargée de mission déléguée Réussite étudiante, en charge du dispositif Répare (Raccrochage des étudiants par les étudiants). Mais n’oublions pas que dans certaines composantes, enseignants référents ou étudiants tuteurs assuraient déjà cette mission. » Une mission « qu’on a choisi d’endosser, qui n’est sans doute pas une solution miracle, mais je la vois comme la moindre des choses que je puisse faire à mon échelle », conclut Jérôme.
E. C.